Collaboration : Joue-t-on réellement le jeu en entreprise ?

Cet article reprend et développe les propos de Nicolas Pasquet, Docteur en Management et CEO de Makin’Ov, tenus lors du Rendez-Vous du Faubourg du 10 septembre 2019 sur le thème : « Collaboration : joue-t-on réellement le jeu en entreprise ? ».

Qu’est-ce que la collaboration ?

La collaboration peut être entendue comme étant le fait de travailler ensemble. Elle revient à élaborer en commun une solution négociée et consensuelle.

Dans le cadre d’un travail ou d’un projet collaboratif, ce qui prime avant toute chose c’est l’intérêt collectif. Les individus se lient ensemble pour atteindre des objectifs communs. L’intérêt individuel n’en est pas pour autant oublié. En effet, c’est bien parce que chacun y trouve son intérêt, que l’intérêt collectif peut être poursuivi. La responsabilité est alors globale et collective.

La différence entre collaboration et coopération est rarement marquée. La majeure partie des auteurs confondent dans leurs écrits ces deux notions. Il existe malgré tout une distinction notable entre ces deux termes. 

La collaboration diffère de la coopération en ce sens que la coopération signifie opérer ensemble, à savoir partager des tâches par juxtaposition commune de compétences et attributions spécifiques.  Le mode coopératif résulte d’une division négociée (rationalisée) d’une tâche en actions qui seront attribuées entre des individus qui vont agir de façon autonome. Les interactions se limitent dans ce cas précis à l’organisation, la coordination et le suivi de l’avancement souvent sous la responsabilité d’un individu chargé de s’assurer de la performance individuelle de chacun. Dans ce cas précis, la responsabilité, qui est globale et collective en mode collaboratif, est limitée à la réalisation des actions de chacun.  

Pourquoi collaborer ?

La nécessité de collaborer relève de trois raisons principales :

1.

En premier lieu, il existe un lien étroit entre performance et collaboration. En collaborant, les individus accroissent leur performance collective dans la durée. Seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin.

2.

En second lieu, il est acté que la collaboration est une condition sine qua non de survie. De notre survie autant que celle des organisations. Ainsi, au-delà de la théorie darwinienne de l’évolution (seules les espèces les plus adaptées survivent), il a été démontré récemment que celles qui étaient restées en vie était celles qui étaient parvenues à mieux et plus collaborer pour affronter les transformations de leur environnement. A titre d’illustration, dans son ouvrage avant-gardiste La Vie secrète des arbres (éditions Les Arènes, 2015), l’ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben, met en exergue que les forêts sont des superorganismes structurés au sein desquels des arbres d’une même espèce, reliés entre eux, adoptent des comportements sociaux collaboratifs. Concernant l’évolution de l’humanité, l’historien Yuval Noah Harari précise que le passage en position debout de l’Homo sapiens a provoqué un bouleversement majeur chez l’Homme qui aurait pu signer la fin de notre espèce sans l’adoption d’un système collaboratif. Ainsi, pour nos ancêtres féminines, le passage à une position redressée ne pouvait s’effectuer sans rétrécissement des hanches, lequel a contribué au resserrement du système reproductif, alors même que le crâne des Homo Sapiens grossissait. Le mécanisme de sélection naturel opéra le premier. Seules les femmes qui accouchaient le plus tôt purent survivre. De ce fait, les nouveau-nés, tous prématurés, restaient pendant de longues semaines dépendants de leurs mères qui ne pouvaient parvenir à les nourrir seules. L’évolution a donc favorisé et rendu nécessaire les groupes qui étaient capables de nouer de puissants liens sociaux en vue de nourrir, puis d’éduquer les enfants.

3.

Enfin, il existe une dialectique entre complexité et collaboration. Notre monde devenant de plus en plus complexe, seule la mise en place de comportements collaboratifs permettent d’y faire face, c’est-à-dire de continuer à agir en prenant les décisions les plus adaptées aux événements. C’est notamment le cas avec l’innovation, où l’adoption de comportements collaboratifs permet de trouver des solutions innovantes pertinentes grâce à plus de transversalité entre les équipes, de transdisciplinarité dans les compétences, et d’attitudes propices à l’entraide et l’intelligence collective. Il devient alors parfois possible de réaliser l’impossible (au premier sens du terme) : concrétiser la nouveauté en allant relier des mondes et des activités jusqu’alors déconnectées et a priori sans liens apparents entre eux. C’est bien le résultat d’un travail hautement collaboratif qui amène les personnes à réussir de telles prouesses. A plusieurs, nous sommes plus créatifs. A plusieurs, le brouillard de la complexité gagne en lisibilité.

Comment déployer la collaboration ?

Pour s’assurer du bon déploiement et du bon fonctionnement d’un mode de travail collaboratif, il faut avant tout veiller à ce que les membres d’une équipe partagent une intention commune, et disposent des connaissances et compétences comportementales requises. Il s’agit donc de :

Vouloir collaborer : tout membre de l’équipe doit vouloir collaborer. Il ou elle est pleinement impliqué.e et engagé.e. Il ou elle est par conséquent prêt.e à entrer en relation avec autrui et à partager son savoir et ses compétences, dans l’intérêt du collectif.

Savoir collaborer : il faut aussi savoir collaborer, c’est-à-dire comprendre comment l’autre fonctionne et disposer des compétences relationnelles nécessaires à la construction d’une relation de qualité. Tout ceci peut s’apprendre par la pratique.

Hormis ces deux éléments, la réussite d’un travail collaboratif, ou de la collaboration au sens large, passe par le respect des étapes suivantes :

La définition d’une vision commune et partagée. Seule cette vision collective confère un sens à l’action collaborative, et par conséquent à l’engagement et l’investissement de toutes les parties prenantes associées au projet.

L’exemplarité de tous, y compris des organes décisionnaires.

La reconnaissance de tous, et notamment des forces de chacun (forces qui diffèrent ou peuvent différer des compétences acquises), par ses pairs.

Le rassemblement de volontaires autour de sujets à enjeu, et pour l’organisation, et pour eux. L’intention collective doit être réfléchie, c’est-à-dire ce que le collectif souhaite porter en son nom.

La mise en place de modalités organisationnelles basées sur l’autonomie de la prise de décision, et la responsabilité globale et collective. Ceux qui font doivent pouvoir décider de la manière dont ils souhaitent s’organiser pour atteindre leurs objectifs.

Le lancement de communautés de pratiques : les communautés de pratiques sont des groupes d’individus qui se constituent dans le but de s’entraider.

Les risques de la collaboration et autres effets indésirables potentiels

Certaines réactions peuvent venir entraver ou mettre en péril la collaboration. Cette dernière peut ainsi encourager un faux sentiment de confiance. Notre jugement peut être faussé par un excès de croyance et de confiance dans le groupe d’appartenance. Ce qui est dit et partagé devient une pensée unique entraînant dans certains cas un rejet d’informations extérieures, amplifiant notre croyance et nous empêchant de prendre les meilleures décisions. 

La collaboration peut aussi instaurer une pression collective nous poussant à nous conformer. En groupe, certaines personnes ont tendance à se conformer à l’opinion de la majorité, même s’ils pensent le contraire. Et ce qui fait la richesse du collaboratif, la présence et participation de chacun tel qu’il est, et sa représentativité, disparaît alors.

Quelques bonnes pratiques faciles à mettre en œuvre pour se lancer dans la collaboration

Voici quelques conseils simples que nous vous proposons de suivre pour amener plus de collaboration dans vos pratiques.

1.

Instaurez dès le départ un bon climat de confiance. Ayez une intention commune positive. Soyez exemplaire et transparent.

2.

Développez l’écoute active et la prise de parole de tous. Ecoutez vous avec attention et dites-vous les choses.

3.

Laissez autonomie et responsabilité aux équipes. Ceux qui font doivent pouvoir choisir ce qu’ils ont à faire, comment ils souhaitent le faire. Ils doivent donc pouvoir décider par et pour eux-mêmes.

4.

Formez les équipes aux principes de la collaboration. On peut vouloir collaborer mais sans savoir comment. Investissez dans vos équipes. Apprenez à collaborer par la pratique.

En résumé, plus votre activité est complexe, plus les interactions sont nécessaires et plus la culture de la collaboration devient primordiale.

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