Les Imaginaires, l’indispensable de la Méthodologie Design Fiction

Quelle est cette nouvelle tendance à la projection que l’on voit apparaitre au sein des organisations, appelée design fiction ?

Le design fiction, également qualifié design spéculatif ou design critique, consiste à résoudre des problématiques à enjeux par l’imagination en faisant appel à des futurs prospectifs. Cette notion, introduite dans les années 2000 par un auteur de science-fiction américain, Bruce Sterling, est un processus d’innovation faisant appel à l’imagination et à la science-fiction. Cette méthode est similaire aux méthodes de conception dites “scénarios”, mais contrairement à ces dernières, le design fiction va utiliser la fiction et son caractère immersif pour rendre le scénario beaucoup plus réel. Le design fiction fait constamment appel à des imaginaires tangibles.

I. Le rôle des imaginaires ?


Inspirer

Les imaginaires sont une source d’inspiration qui nous permettent d’aborder les problèmes actuels de l’entreprise par le biais de la fiction.  Le mot imaginaire vient du latin “imaginarius”, dérivé de “imago” qui signifie “image”. Il s’agit de notre capacité à établir une image fictive, représentée à travers un film, un livre, un tableau, etc. Les imaginaires rendent plausible nos  perception en les matérialisants. Le monde imaginaire est infini et permet une multitude de leviers d’innovations. L’étude des imaginaires permet de comprendre et de tangibiliser l’origine de nos significations (la manière dont nous donnons un sens à quelque chose). Elle offre la possibilité de montrer la distance qui existe entre nos représentations et la réalité objective et rationnelle à laquelle elles s’appliquent. Ce sont ces imaginaires qui nous permettent de poser l’existant afin d’initier l’inexistant. 

Les imaginaires développent notre créativité, ce qui les compose est donc très important dans le processus de design fiction. Ils sont la création des images qui nous entourent au quotidien et qui constituent un écosystème inspirant. Les imaginaires ne sont pas complètement étrangers à notre monde, ils sont directement constitués par nos perceptions de la société.

Innover à travers les imaginaires ne nous éloigne pas de la réalité, mais au contraire nous y projette à travers le prisme de la perception.

Comprendre nos représentations du futur

Pour pouvoir se projeter, il est donc important de se doter d’éléments tangibles, concrets. Parmi les outils permettant cela, la cartographie des imaginaires fait figure d’indispensable.

La cartographie des imaginaires permet d’ouvrir le champ des possibles par la fiction, tout en laissant entrevoir les tendances futuristes qui seront au cœur du développement des univers prospectifs créés par la suite. Elle joue un double rôle en termes de représentations collectives : elle matérialise les idées du grand public à travers une histoire racontée pour les diffuser à ce même public.

« La vérité est dans l’imaginaire. »

Eugène Ionesco

Ces représentations permettent de créer des récits collectifs du futur, qui mobilisent des groupes de personnes. Cela leur donne la capacité de bâtir des histoires, de parler du futur, ils seront ainsi plus à même d’adhérer aux récits qu’ils ont construit. Le futur dépend de notre capacité à créer des discours du futur qui ont du sens pour nous tous.

Dans le monde incertain dans lequel nous vivons aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de prédire l’avenir. Alors qu’auparavant les transformations sociétales étaient moins nombreuses et qu’il était plus facile de se projeter à dix ans, ce n’est plus possible aujourd’hui. Nous sommes confrontés à un véritable paradoxe, dans lequel nous devons encore anticiper notre monde de demain. Les outils d’innovations, qui dans certains cas peuvent être perçus comme des modèles assez statiques, sont plus susceptibles de permettre l’extrapolation de tendances que la création d’une rupture. L’appel aux imaginaires est essentiel dans la recherche de ces signaux faibles.

II. La méthodologie


La cartographie des imaginaires est un document non exhaustif faisant appel aux imaginaires collectifs autour d’un thème. Il compile des informations sur les imaginaires en relation avec la problématique de l’organisation.  Les objectifs de ce document sont divers. Le premier est d’inspirer en ouvrant au maximum le champ des possibles et en identifiant des sujets connexes. Le second est de comprendre le réseau d’associations d’idées, de faits et d’imaginaires du grand public, dans le but de pressentir les tendances qui auront un impact sur le thème général. Enfin, le dernier objectif est de se nourrir de la fiction pour nous aider à créer des univers prospectifs crédibles en nous appuyant sur des imaginaires préexistants.

Afin de comprendre nos représentations du futur, il s’agit de collecter les imaginaires : films, séries, mangas, livres, peintures, jeux vidéo, etc. … Par exemple dans le cadre de la thématique : « les océans, la locomotive de notre temps », le dessin animé : « Le monde de Nemo », témoigne de la grande diversité de nos fonds marins.

L’analyse de cette cartographie permettra pour la suite de la méthode de dégager des signaux faibles, des tendances, dans le but de projeter l’organisation dans un avenir plus ou moins proche. Les imaginaires sont le point de départ des processus d’innovation et de conception et permettent ainsi d’alimenter la créativité. Par leur caractère immersif, ils nous poussent à l’action.

Le design fiction est une méthode disruptive qui offre l’opportunité aux organisations de se repenser. Il permet par le biais des imaginaires de se projeter dans le futur afin d’y adapter sa stratégie d’avenir.

Cette démarche permet, en reprenant pour partie les mots de Michel Godet, d’éclairer l’action présente à la lumière de futurs souhaités, souhaitables et vraisemblables.

III. Exemple de cartographie des imaginaires :


Thématique : « Les Océans, la locomotive de notre temps. »


Eau

1. Élément

La molécule de l’eau est composée d’un atome d’oxygène entouré de deux atomes d’hydrogène. L’eau, sous l’action conjuguée de la chaleur et de la pression atmosphérique, change d’état, passant de celui de vapeur à l’état solide ou liquide.

2. L’Eau, une Ressource Limitée

The Young Ones; Dune; Waterworld; Mad Max Fury Road.

Un quart de la population mondiale est aujourd’hui en situation de pénurie hydrique grave, proche du fameux « jour zéro » lors duquel plus aucune eau ne sortira du robinet. Ce stress hydrique est très représenté dans la fiction.

3. Bleu

Monochrome bleu, Yves Klein

Le bleu est le symbole de la sagesse. D’une force ​tranquille maîtrisée. Le bleu invite à l’évasion, au voyage​ et à la découverte. Inspirant la sérénité et le calme​ intérieur, ce coloris est propice au rêve et à la méditation.​


Source Vitale

1. Source de vie

Le Monde de Nemo

Notre corps est composé de 65% d’eau, autant dire que c’est un élément essentiel à la survie de l’Homme. C’est également un élément qui abrite des milliers d’êtres vivants. Nos océans sont composés d’une faune et d’une flore exceptionnelle et la fiction ne manque pas de l’illustrer. 

2. Source d’Énergie

 Dragon Ball Z; Tesseract – Marvel​

Les océans sont une source d’énergie colossale pour notre terre. La fiction aime nous projeter dans des univers dans lesquels les sources d’énergie sont très souvent représentées par la couleur bleue, comme l’eau. 

3. Planète Bleue

Kamino : Star Wars; BoJack Horseman.

Dans l’imaginaire collectif, notre futur est souvent représenté par une planète bleue, considérée comme une source souvent inexplorée. 

Un Équilibre Délicat

1. La Revanche des Océans

2. Les Océans se Vengent de l’Homme

Seul au monde; Le Radeau de La Méduse et la maîtrise de Géricault; La Grande Vague d’Hokusai.

L’Homme n’est pas toujours tendre avec les océans, et dans la fiction, nous en payons souvent le prix. En effet, de nombreuses œuvres s’emparent du thème du danger des océans. Mécanisme de défense contre l’Homme saccageur ou bien retour de manivelle bien mérité ? ​

3. Un Monde Submergé

Waterworld​; Lost River​; Beasts of the Southern Wild​; Soma.

Avec les dérèglements climatiques et la fonte des glaces (Groënland et Antarctique), les eaux sur le globe pourraient monter de 29 à 82 centimètres d’ici 2100, impactant une personne sur dix sur le globe ! ​ Cette peur se traduit encore une fois dans les œuvres de fiction.

4. L’Océan, Une Terre de Mystères

Atlantide; L’odyssée de Pi.

Près de 80% de l’océan reste inexploré, la fiction en profite pour imaginer ce qui nous reste à découvrir.

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